Lucie Aubrac

Lucie Aubrac
1912 - 2007

Incarnation féminine de la résistance intérieure française, Lucie Aubrac, de son vrai nom Lucie Bernard, naît le 19 juin 1912 près de Mâcon dans une famille de vignerons. La Grande Guerre la marque à vie : porté disparu, son père est retrouvé en 1921 dans un asile à Lyon, frappé d’amnésie.

En 1929, elle est reçue à l’École normale d’institutrices mais refuse d’y aller. Elle s’installe à Paris, adhère aux Jeunesses communistes et entreprend des études d’histoire. Ayant besoin d’apprendre l’Allemand, elle part outre-Rhin en 1932 comme jeune fille au pair. Elle y découvre l’antisémitisme d’autant plus virulent qu’on lui prête la judéité avec son patronyme. En 1928, Lucie Bernard est reçue à l’agrégation d’histoire et enseigne à Strasbourg où elle fait la rencontre de Raymond Samuel (dit Aubrac dans la clandestinité), ingénieur des Ponts, mobilisé comme officier de génie. Elle l’épouse le 14 décembre 1939.

En août 1940, elle organise l’évasion de son époux fait prisonnier à Sarrebourg. À l’automne de la même année, elle rejoint le petit groupe clandestin d’Emmanuel d’Astier de la Vigerie, La dernière colonne. Elle travaille à la publication d’une feuille clandestine, Libération, noyau de Libération-sud, tout en donnant naissance à son premier fils, Jean Pierre. Le premier numéro de Libération voit le jour en juillet 1941. A Lyon depuis l’évasion de son mari, Lucie Aubrac enseigne au lycée de jeunes filles Edgard-Quinet avant d’être révoquée pour ses convictions gaullistes. Son activité clandestine s’intensifie à partir de novembre 1942. Elle dirige dans la région lyonnaise un corps franc spécialisé dans les évasions. Fine tacticienne et comédienne redoutable, elle affronte par deux fois le chef de la Gestapo, Klauss Barbie surnommé le boucher de Lyon : en mai 1943, elle sauve avec ingéniosité son mari de la mort, détenu depuis le 15 mars. Le 21 juin 1943, Raymond Aubrac est une nouvelle fois arrêté par la Gestapo à Caluire, aux côtés de Jean Moulin et d’une dizaine de hauts dignitaires de la résistance locale. Avec sang-froid et armes à la main, Lucie Aubrac parvient à libérer son époux et treize autres résistants durant leur transfert de la prison de Montluc au siège de la Gestapo. Recherché par la police allemande, le couple Aubrac va de cachette en cachette, dans l’attente de gagner Londres. Arrivée en Angleterre le 8 février 1944, elle accouche quatre jours plus tard de sa fille Catherine.

Elle rejoint la France à la Libération et participe à la mise en place des Comités de libération dans les zones libérées. Elle représente le Mouvement de libération nationale à l’Assemblée consultative et rejoint également le jury de la Haute Cour de justice du Procès Pétain.

Lucie Aubrac reprend par la suite son métier de professeur d’histoire qu’elle exerce successivement au lycée d’Enghien, au Maroc et à Rome jusqu’à sa retraite. Lors du procès de Klauss Barbie en 1987, Lucie Aubrac se révolte contre les révisionnistes de l’histoire et prend conscience de la nécessité du devoir de mémoire. Elle deviendra une militante infatigable de la mémoire de la Résistance. Elle ira de collèges en lycées pour témoigner de cette époque devant la nouvelle génération en qui elle fonde tous ses espoirs. Elle continuera à militer, pour Amnesty International puis au sein du Réseau Femmes pour la parité.

Lucie Aubrac décède le 14 mars 2007, à l’âge de 94 ans.

Grand officier de la Légion d’honneur, Lucie Aubrac était l’auteur de Il partiront dans l’ivresse (1984) et Cette exigence de liberté (1997). Deux films ont été consacrés à sa vie : Boulevard des hirondelles de Josee Yanne (1993) et Lucie Aubrac de Claude Berri (1997).

Dans la mémoire collective, le nom de Lucie Aubrac est associé à la liberté et au courage. Elle reste le symbole de ces Français qui ont osé défier l’Occupant, par amour pour leur pays. Cette femme de convictions, au caractère rebelle, a montré que la résistance pouvait être l’objet de toute une vie : résistance contre le nazisme, le colonialisme et toutes les formes d’injustices. « Résister se conjugue au présent » avait-elle pour habitude de dire. Elle est restée à la pointe du combat actuel aux côtés des sans-papiers et dénonçait régulièrement les risques de dilapidation des acquis du programme du Conseil National de la Résistance.

Celle qui incarne les idéaux de la Résistance a mis son audace et son intelligence au service des grands combats pour la liberté, l’égalité et la justice. Lucie Aubrac est parvenue à nous léguer ce qu’elle avait de plus profond en elle : un optimisme communicatif.


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(Texte de Margaux MIGNARD)