Pourquoi je reviens au PS, à la maison, par Jean-Pierre Mignard

Tribune complète :

En 1984, nous fondions à quelques-uns, dont François Hollande, les Transcourants, en 2022 nous sommes dispersés, à l’image du monde et de la société. En 1984, nous avions tenté de surmonter l’affrontement de la deuxième et première gauche du Parti socialiste par le vague schéma d’une social-démocratie ouverte alors que les coups de boutoir du néolibéralisme anglo-saxon, relayé ad nauseam en Europe, ruinaient tout espoir politique concret de gauche en France et en Europe.

Depuis 1984, la gauche au pouvoir, qui contrairement à une méchante légende n’avait pas trahi son programme, a été battue. François Mitterrand et Jacques Delors ont conduit la retraite avec les forces dont la gauche disposait encore. L’un en se faisant réélire sur un projet minimum en 1988, l’autre en dessinant avec l’Europe et l’euro les fondations d’une forteresse de résistance contre le néolibéralisme. Michel Rocard, et Lionel Jospin à sa suite, tenteront d’entraver la jonction entre économie de marché et société de marché. En vain.

Nous avons tous été battus. Nous n’avons pas trahi, car beaucoup a été entrepris, mais nous avons été défaits. Ceux qui, comme nous, s’étaient trop aventurés sur les nouveaux espaces conquis par un marché mondiale ravageuse, ne furent pas plus épargnés. L’Europe ne fut pas le bouclier espéré.

Ceci c’est en quelques mots une tendance longue de trente ans décrite ici qui s’est achevée avec le renoncement de François Hollande, et trois candidats issus de la majorité de gauche et de son gouvernement dressés les uns contre les autres sur fond de socialisme éclaté ni même plus invoqué. C’est un patrimoine considérable pourtant laissé sans successeurs qui ne demande qu’à être restauré.

Il a fallu que le drapeau soit relevé à la gauche du PS par Jean-Luc Mélenchon qui ne lui ménagea pas ses reproches, non sans injustice parfois. Mais on n’y reviendra pas, les insoumis ont sonné le tocsin. On leur doit le réveil et cela n’a pas de prix. La campagne présidentielle en fut le témoignage. Lors de celle-ci les candidats PS et verts faisant des insoumis des cibles ont été sanctionnés sans appel par leurs propres électeurs. Ceux-ci ne sont pas pour autant devenus des insoumis. Ils sont redevenus des citoyens désireux de se relever et intuitivement partis à la recherche d’un mouvement politique qui leur tende la main.

Les dirigeants du PS l’ont compris. Ils ont relevé le défi et la clé de succès dépendra de leur ardeur et de leur fidélité à la Nupes, qui est l’alliance de toutes les gauches. La mémoire de l’exercice du pouvoir, de longues habitudes d’élaboration démocratique, une histoire partagée avec le monde du travail, l’écoute de la bourgeoisie éclairée, sont la marque de la social-démocratie. C’est le nouveau PS. Il est essentiel pour rallier à la Nupes les millions d’électeurs qui lui manquent et lui permettront de gouverner s’il ne se perd pas dans des débats idéologiques fumeux et des rancœurs exhalées que l’on ne supporte plus.

Ce moment du monde ne fera de cadeaux à personne. La désintégration de tout a commencé : la paix d’abord, le climat et la destruction de la nature, les ensembles multilatéraux ou régionaux, dont l’Europe, ébranlés, les paniques et l’insécurité qui va avec, donc la démocratie menacée, la crise de l’énergie enfin, qui peut nous ramener à la guerre du feu. Ce ne sont pas dans les vieilles recettes que l’on trouvera les solutions. C’est dans le travail, la lucidité, et le goût de rassembler que les socialistes retrouveront le cœur du peuple. C’est la dernière chance.

Voilà pourquoi je reviens au PS, à la maison, comme le disait Blum. Et vous qui voulez bien lire ce témoignage, vous aussi pensez-y.

Tribune publiée sur le site internet de Libération : https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/pourquoi-je-reviens-au-ps-a-la-maison-par-jean-pierre-mignard-20221019_EM5SLK7IJRAGZBW2MKFUMIFMCE/