Germaine Tillion

Germaine Tillion
1907 - 2008

Grande figure de la Résistance, écrivain engagé et intellectuelle indépendante, Germaine Tillion est aussi considérée comme la pionnière de l’ethnologie française. Née le 30 mai 1907 à Allègre (Haute-Loire) dans une famille bourgeoise, intellectuelle et catholique, Germaine se consacre très tôt aux sciences de l’Homme. En 1934, alors jeune ethnographe, elle est envoyée en Algérie pour étudier les tribus berbères qui peuplent la région des Aurès. Elle effectuera quatre missions jusqu’en 1940. Dès son retour, elle s’insurge contre le sort réservé à la France et s’engage aussitôt dans la Résistance. Elle expliquera plus tard sa réaction suite à la demande d’armistice : « Ce fut pour moi un choc si violent que j’ai dû sortir de la pièce pour vomir », La traversée du mal ). Elle fait la rencontre d’un colonel en retraite et reprend avec lui l’Union nationale des combattants coloniaux pour venir en aide aux prisonniers de guerre originaires d’outre-mer. Cette activité légale laisse peu à peu place à une activité souterraine. Elle recense les camps de prisonniers, contribue à la création de filières d’évasion et débute la collecte de renseignements. Elle ira même jusqu’à cacher des évadés chez elle.

Résistante de la première heure, elle noue des contacts précieux avec de nombreux groupes, à commencer par le réseau du musée de l’Homme. Au printemps 1941, elle multiplie les liens avec d’autres organisations, notamment les mouvements Valmy, Ceux de la Résistance, le réseau anglais Gloria et le groupe France-Liberté. Dès lors, elle devient un maillon essentiel de la Résistance, mettant en relation les uns avec les autres. Dénoncée, elle est arrêtée le 13 août 1942 et accusée de cinq chefs d’inculpation punis de mort. Elle est finalement déportée en octobre 1943 au camp nazi de Ravensbrück. Sa mère l’y rejoindra début 1944 et y sera gazée en mars 1945. Pendant dix-sept mois, Germaine Tillion ne cessera d’aborder l’atrocité nazie avec l’œil distancié de l’ethnographe. Elle étudiera l’organisation du camp et ses soubassements économiques qui appellent aux exterminations systématiques des déportés. Résister, c’est aussi pour elle tourner en dérision ses bourreaux et divertir ses compagnes de fortune. Aussi écrira-t-elle  une opérette : « j’ai écrit une chose comique parce que je pense que le rire, même dans les situations les plus tragiques, est un élément revivifiant ». Libérée le 23 avril 1945 par la Croix-rouge suédoise, Germaine Tillion parvient à passer la dernière fouille avec sa documentation contenant des photos attestant d’expériences de vivisection sur ses camarades.

Désormais, Germaine Tillion fait des déportés sa nouvelle bataille. Elle retracera l’histoire de près de 4000 femmes déportées hors de France et publiera dès 1946 l’un des premiers témoignages sur les conditions de vie dans les camps (A la recherche de la vérité). Germaine Tillion assistera au procès du Maréchal Pétain mais aussi et surtout aux procès de Hambourg (1946-47) et de Rastatt (1950) qui jugent les chefs SS de Ravensbrück.

En 1955, elle renoue avec l’Algérie à la demande du gouvernement français, engagé dans le bourbier algérien. Révoltée par la paupérisation du pays qu’elle retrouve quatorze ans plus tard (L’Algérie en 1957), elle met en place un projet socio-éducatif à l’intention des plus pauvres, analyse les limites du système colonial (Les ennemis complémentaires) et enquête sur des faits de torture. En pleine bataille d’Alger en 1957, Germaine Tillion rencontre secrètement le chef FLN, Yacef Saâdi et obtient pour quelques semaines l’arrêt des attentats.

La fin de la guerre d’Algérie sonne pour Germaine Tillion le retour à l’enseignement sans pour autant renoncer à ses idéaux. Elle signera l’appel lancé pour que soit reconnu l’usage de la torture pendant la guerre d’Algérie. Germaine Tillion s’est éteinte le 19 avril 2008 à l’âge de 100 ans.

Cette femme d’exception a fait du combat le moteur de sa vie : lutte contre l’oppression et la guerre, lutte contre la torture et les injustices, lutte contre la pauvreté et les misères sociales. Malgré les heures sombres, celle qui fut de tous les combats du XXème siècle n’a jamais désespéré de l’homme. La paix, la liberté et l’égalité ont été les guides du parcours lumineux et courageux de cette femme de réflexion et d’action.

Elle était l’une des Françaises les plus décorées et avait le privilège d’être grand’Croix de la Légion d’Honneur. Elle était Croix de guerre 1939-1945, médaillée de la Résistance avec rosette et médaillée de la déportation pour faits de résistance.


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(Texte de Margaux MIGNARD)